100 % métis, le documentaire touchant de Jérémi Nureni

Article : 100 % métis, le documentaire touchant de Jérémi Nureni
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19 décembre 2014

100 % métis, le documentaire touchant de Jérémi Nureni

Jérémi Nureni est un journaliste touche-à-tout. Après un documentaire sur la grossesse de sa femme, il réunit quatre métis d’origine africaine pour un documentaire sonore : 100 % métis. Hébergé par Arte Radio, cette œuvre de 40 minutes laisse la parole à quatre métis : Adelaïde, Renée, Karim et Peter. 

Jérémi, Pourquoi as-tu fait ce documentaire ?

documentaire d'Arte Radio réalisé par Jérémi Nureini.

documentaire d’Arte Radio réalisé par Jérémi Nureini.

C’est le rédacteur en  chef D’Arte Radio qui a eu l’idée. Il est avec une Parisienne d’origine marocaine… c’est lui qui s’est dit « pourquoi on ne laisse pas la parole aux métis ?  »  Du coup quand il m’a proposé ce sujet je me suis dit » est-ce une communauté ? Le métissage est-il la solution au problème identitaire ? » J’ai voulu laisser parler ceux qui le vivent.

Est-ce qu’il y a une pression autour du métissage ?

Oui il y a une certaine pression autour du métissage pour les métis. On les voit comme l’avenir, comme porteur de quelque chose. On a fait ce sujet en se disant on a toujours dit que les métis sont tous autour de nous. En fait le seul métis dont on parle c’est Yannick Noah parce qu’il fait des chansons sur le sujet. Et aujourd’hui on peut entrevoir un changement de situation autour du métissage.

Comment ça ?

A une certaine époque le métissage était vu comme une solution. Aujourd’hui c’est un peu différent, on voit les générations identitaires ou encore  les idéologues façon Zemmour  qui nous vendent que le culte du métissage est un leurre. Il y a le livre Maudits métis  de Bertrand Dicale qui prend cette hypothèse du métis dans une période comme celle que l’on vit en ce moment. Si cette situation pesante va plus loin, les premiers qui vont en pâtir ce sont les gens de double culture alors qu’à une époque c’était vu comme la solution.  Karim le dit avec ses mots : le métissage peut être lourd à porter et aujourd’hui, il peut devenir un contre-exemple.

Il y a une différence entre ceux dont le métissage se voit et ceux dont  le métissage se voit pas ?

Pour ce documentaire radio, je suis allé chercher quatre métis d’origine africaine, ceux dont le métissage se voit sur leur figure. Les questionnements identitaires sont les mêmes à chaque fois. Alors que ce ne sont pas forcément les mêmes profils, ni les mêmes histoires.

Ces questions identitaires elles sont marqués parce qu’ils ont une couleur différente, chez ces gens là, cela se voit. Ton métissage t’est renvoyé à la gueule par le miroir et par les réflexions des gens. C’est la particularité de mes interviewés. Deux des métis sont nés dans leur pays d’origine. Celui qui est d’origine sénégalaise y allait tout le temps et l’autre non. Et ils arrivent régulièrement aux mêmes réflexions.

Finalement ces questions tout le monde se les pose sauf que pour un métis il y a besoin de les justifier : soit en affirmant « je suis comme vous donc laissez-moi tranquille » soit de dire «  je suis différent, en quoi cela te gêne ?» et parfois on te dit « aaah tu vas faire l’Africain alors que t’es un petit français »

Dans ton documentaire on sent que la question « d’où tu viens » implique beaucoup de choses…

En général les gens te posent tout le temps la question d’où tu viens. Moi cela m’arrive tout le temps… en plus les gens font des hypothèses sur ton origine. Par exemple moi, je suis 100 % métis : mon père est somalien et ma mère française. Et je  ressemble à un Marocain. Du coup il m’arrive de devoir dire à des personnes d’arrêter de me parler en arabe marocain et ils ne me croient pas. Les Vieux surtout, ils sont persuadés que je suis marocain… bon ça peut devenir pratique parce que  tu peux avoir des bons prix au souk de Marrakech ! Mais tu dois toujours te justifier d’où tu viens : ça fait partie de toi.

La question « D’où tu viens » semble engendrer pas mal de cristallisation…

Ca dépend du contexte et comment c’est posé. Dans le cadre d’une tactique de drague c’est lourd. C’est normal quand on parle de soi, mais quand c’est la première question qu’on te pose cela renvoie à «  t’es pas de la même couleur que moi ».  C’est une question qui peut être malsaine et ça peut être une bombe à retardement car ce que les gens voient c’est l’altérité, la différence. Et puis parfois cela part d’une curiosité  positive, on se dit « on va pouvoir parler de nos cultures. »

Dans ce documentaire radio, ce n’est qu’au bout de la vingtième minute que je laisse les interviewés dire d’où ils viennent. Pendant un moment l’idée était de parler de nuancer comme pour la peinture. On a commencé par leur faire dire leur couleur mais dans le sujet, j’ai mis 18 minutes avant de leur faire dire d’où il venait, justement pour arriver à cette question  et ainsi  voir si c’était important. La conclusion, c’est que  oui c’est important, mais tu peux discuter de premier abord de la biculturalité de quelqu’un sans savoir d’où vient la personne.

Quelles sont les principales conclusions que tu as pu tirer de tes interviews ?

Déjà il n’y a pas de schémas précis, pas de moules, il y a des histoires communes et des effets miroirs entre chaque métis. Le métissage est une force parce que c’est une capacité d’adaptation, une facilité à  découvrir l’autre, d’accepter l’autre. Mais c’est aussi une difficulté parce que cela amène des questions identitaires fortes. Il faut se justifier par rapport à des racistes ou que se positionner par rapport a des mecs qui sont 100% français ou africains d’ailleurs. Ce sont des questions qui sont toujours délicates  et compliquées même si on a une vie facile par ailleurs.

Ensuite ce n’est pas une communauté, c’est un ensemble. Comme le dit Karim c’est un chapelet de petites histoires, des trajectoires qui ne créent pas une communauté.

Mais surtout le truc fondamental et la conclusion à laquelle je suis arrivé, c’est que c’est avant tout l’histoire des parents. En fait, il faut arrêter de me prendre la tête parce que ce n’est  pas mon histoire. Le métissage c’est ce que je suis, mais c’est surtout l’histoire d’amour de mes parents. Mon père est Somalien. Il est arrivé en France en 1971 pour devenir médecin. Il ne parlait pas français et c’est ma mère qui lui traduisait les cours, c’est comme cela qu’ils se sont rencontrés.

Cela fait partie de notre histoire. Cela nous constitue mais on ne peut pas être restreint à ça,  à notre double culture, à  notre métissage. Et en fait la question «  d’où tu viens » c’est surtout cela : c’est entrer dans l’histoire intime de ses parents. C’est une des interviewées qui le dit. « Je ne vais pas te dire d’où je viens ça revient à raconter l’histoire de mes parents et on se connaît pas. ».  C’est l’histoire d’un couple avant tout. Et pas forcément une histoire qui nous définit.

En écoutant les différentes histoires on voit aussi se dresser un tableau sur la connaissance de soi. 

Oui  et c’est Peter, le Slovéno-Somalien qui en parle. Il a longtemps eu de nombreuses interrogations à propos de qui il était. Et il s’est rendu compte que l’important ce n’est pas forcément d’où l’on vient, mais où l’on va.  C’est en s’étant rendu compte de cela qu’il avance.

Il s’est aussi rendu compte que son identité française évolue. Il est arrivé à être en paix avec le fait que pour lui c’est normal qu’il se recherche. Le principal problème, c’est de voir que c’est une question qui est en soi et qui fait partie de ta vie. Cette dualité nécessite toujours une recherche et le besoin de te situer par rapport à  cela. En fait, lui comme beaucoup d’autres on a fait un long voyage vers soi même et maintenant qu’on s’est retrouvé on sait où l’on peut aller. Mais les personnages le disent bien mieux que moi.

Pour écouter ce documentaire radio : https://www.arteradio.com/son/616484/100__metis/

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Commentaires

Pascaline
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Joli reportage que j'ai découvert grâce à toi ! merci! J'en profite pour mettre le lien https://www.arteradio.com/son/616484/100__metis/